"7 façons d'être heureux ou les paradoxes du bonheur" de Luc FERRY
"7 façons d'être heureux ou les paradoxes du bonheur" de Luc FERRY
Résumé
1. Antinomie du bonheur
Thèse :
Le bonheur ne dépend que de nous.
Bonheur possible dans un monde malheureux (même les cas exceptionnels des camps en 1940 )
Le bonheur est parfaitement définissable.
Antithèse :
Bonheur provisoire et fragile
Pratiquer le "non attachement" pour ne pas être affecté par les malheurs du monde => quasi impossible
Le bonheur n'est pas définissable. (thèse de Kant ou Karl Popper). Tout ce qui peut me rendre heureux peut se transformer en calamités (amour, argent, justice, réussite..)
Si ce bonheur n'est pas définissable, c'est qu'il n'existe pas de "nature humaine" (mythe de Prométhée).
Les hommes ne sont pas programmés par un logiciel. Ils vont devoir et pouvoir inventer leur vie.
Pour Pic de la Mirandole, l'homme n'étant déterminé par aucune "nature", n'ayant ni "identité naturelle", peut choisir toutes les identités.
D'où l'idée d'un bonheur parfait et durable obtenu par une mise en harmonie de soi n'a aucun sens.
La tyrannie du bonheur
L'idée de bonheur rejoint le comble du "nihilisme" : une tyrannie de l'idéal qui s'acharne à nier le réel.
La thèse eudémoniste se transforme alors en son contraire : un stress angoissant.
Les grecs l'avaient compris. Le réel comporte toujours sa part d'ombre, qu'il n'y a pas de bonheur éternel, mais seulement des joies plus ou moins durables.
Là le projet du livre : identifier ce qui nous rend heureux dans la lucidité, ce qui nous réjouit sans occulter le sens de l'éphémère et viser les joies les plus simples plus qu'un bonheur individuel nécessairement fictif.
2. Aimer : Bonheur et malheur d'aimer
Peut-on croire en un amour plus fort que la mort. Cette espérance est un leurre. Elle n'en est pas si forte qu'on le retrouve depuis la nuit des temps :
Dans Don Juan, c'est l'inverse. Le séducteur est tout, l'autre n'est rien, pas une véritable personne, seulement une silhouette.
La mystique de Tristan et Iseult exige d'une part la sortie de soi, la mise entre parenthèses de l'ego érotique, dominateur, jaloux et possessif; d'autre part, un idéal ascétique lié au projet de la fusion dans l'Autre. Il faut se libérer de l'ego, de sorte que la mort est la libération suprême, l'affranchissement ultime de cette illusion funeste, de cette prison qu'est l'individu. C'est dans la mort que les 2 amants pourront se retrouver.
Don Juan, le suborneur et le moraliste
Dominé par la logique d’Éros, Don Juan est voué au plaisir, au sexe, à l'hédonisme. Il se moque des convenances, des règles sociales, de la distinction entre le bien et le mal. C'est un antéchrist qui se gausse de toutes les formes de transcendance. Il se rapproche du démon car il a les qualités de séduction et la volonté de défier Dieu, la mort et l'au-delà.
Don Juan est dans le "mauvais infini" (d'Hegel) car il faut sans cesse recommencer à séduire, consommer, abandonner. La prétendue liberté de Don Juan tourne à la dépendance. Le temps de Don Juan est celui de la consommation pure, donc de la mort. On retrouve une analyse du divertissement qui était déjà celle d’Épicure et de Pascal.
La spirale des plaisirs nous rapproche de la mort
Selon Lucrèce et Pascal, c'est la peur de la mort qui nous pousse vers le "divertissement", vers la consommation sans fin.
L'enfant gâté passe de jouet en jouet, comme Don Juan de femme en femme et le drogué de dose en dose. Cette course au bonheur artificiel ne permet pas d'habiter le présent et donc de parvenir à la sagesse et à la sérénité. Celui qui est plongé dans l'addiction ressemble, nous dit Lucrèce, au tonneau des Danaïdes. Il ne peut jamais être empli, satisfait, car il n'aime jamais ce qu'il a et désire sans cesse ce qu'il n'a pas.
Pour Kierkegaard, il faut laisser Don Juan à son destin (stade esthétique) et passer aux 2 autres stades éthique (Kant) et religieux (Jésus).
Les amours d’Éros et Psyché
A inspiré le conte de Blanche-Neige
Psyché (l'âme) et Éros (l'amour passion)
C'est seulement dans l'immortalité que l'amour peut s'épanouir et conduire au bonheur. Dans le monde mortel, réel, Aragon a raison, il n'y a pas d'amour heureux, car l'amour implique l'attachement et plus ce dernier est fort, plus l'inévitable séparation avec l'être aimé sera douloureuse.
La théologie du mariage chrétien
Le mariage a pour but de sauver les relations entre mortels. En toute rigueur, l'amour devrait être réservé à l’Éternel.
S'attacher à ce qui passe est folie. Saint Augustin : "Vous cherchez une vie heureuse dans la région de la mort : vous ne l'y trouverez point. Comment trouverait-on la vie heureuse là où il n'y a même pas la vie ?"
Contrairement aux stoïciens et aux bouddhistes, pour qui l'individu n'est que une illusion, l'ego, un agrégat provisoire voué à se dissoudre dans la totalité cosmique, le christianisme nous promet l’immortalité personnelle, corps et âme. Avec la résurrection de Lazare, l'amour est plus fort que la mort, c'est lui qui sauve, qui redonne vie à la chair putride et décomposée de l'ami du Christ.
agapè : l'amour authentique.
Bonheur d'aimer et la mort
4 attitudes possibles face à la mort :
3. Admirer ou pourquoi l'admiration nous rend heureux
Pourquoi ce qui nous fait sentir plus petit, moindre, inférieur nous donne-t-il malgré tout un sentiment de joie ? Comme l'attitude mystique, l'admiration implique un rapport au sacré.
L'admiration nous donne le sentiment de participer du grandiose, du transcendant. Spinoza, lorsque nous participons au divin, nous "sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels".
Ce qui explique pourquoi les industriels qui fabriquent des consommables aiment s'entourer d’œuvres d'art pour les inscrire dans le registre de l'éternité.
Que pouvons-nous encore admirer dans notre univers démocratique et laïc, de part en part, voué à la sécularisation de toutes les figures du sacré, de toutes les formes de transcendance ?
Des 2 maux de l'univers laïc et démocratique : platitude et jalousie signent-elles la fin de l'admiration ?
Pour Tocqueville, la logique de l'égalisation des conditions conduit à la platitude, attendue qu'elle a pour visée l'érosion systématique de tout ce qui dépasse et sort la tête de l'eau.
Régis Debray : "Le démocrate aime l'homme. Il n'aime pas les grands hommes, ceci parce que cela".
La dynamique de l'égalisation des conditions conduit à couper les têtes. Pourquoi cette logique des démocraties modernes ? Pour Tocqueville, c'est la jalousie et l'envie, deux passions inséparables de l'égalitarisme.
Il y a une opposition fondamentale entre démocratie et aristocratie, modernité et Ancien Régime.
Selon Tocqueville et reprise dans la théorie de la justice de John Rawls, les aristocratiques évoluent dans leur monde à eux. Depuis les Grecs, les hiérarchies sont pensées comme naturelles. Tant qu'on est enfermé dans cette classe, tant qu'on pense que cette hiérarchie est inscrite dans le Cosmos, on ne songe pas à en sortir.
Dans l'univers de l'égalité et des droits de l'homme, les inégalités et les privilèges apparaissent alors insupportables mais aussi illégaux. Dès qu'un individu sort du lot, l'homo democraticus tend à s'insurger, il se demande de quel droit, pour quelles raisons il en est ainsi. Parce que piston, corruption, lobby... Les motifs ne manquent jamais pour rassasier la jalousie et l'indignation.
Les objets de l'admiration subsistent dans l'univers de la démocratie
C'est l'humain qui est admirable.
Peinture hollandaise du XVIIème s’intéresse à la vie de tous les jours, à l'humain et non pas aux mythes et Dieu
=> Spinoza de la même époque , philosophie coupée du religieux.
Cette mutation Dieu=> Humain est lié à la réforme luthérienne. Luther est celui qui fera de la religion chrétienne "la religion de la sortie de la religion" (formule de Marcel Gauchet).
Avec Luther, la conscience humaine nous permet de nous adresser directement à Dieu, sans passer par l'intermédiaire de l'Eglise. La sécularisation de l'art prend son essor, parallèle à cet humanisme juridique. C'est par des êtres humains et pour des êtres humains que la loi doit être fabriquée au sein des parlements.
Sport
Compétition = réorganisation d'un espace d'inégalité au sein de l'univers égalitaire.
L'un des ressorts du plaisir voire de la passion qui s'empare des spectateurs à la vue des grands champions est lié à ce retour à un univers aristocratique donc inégalitaire au sein de la sacro-sainte égalité démocratique.
L'admiration pour les sportifs est liée au fait que des transcendances aristocratiques s’élèvent sur un terreau démocratique, donc humain.
Pourquoi il faut admirer cet occident qu'on dit vide
Il faut renverser la perspective habituelle, celle que les nostalgiques des splendeurs passées ont coutume d'affectionner.
C'est que Nietzsche appellera des "idoles", ces boursouflures métaphysico-religieuses qu'il admire comme si elles lui venaient du dehors alors qu'elles sont le produit de sa propre pensée.
Si la cosmologie grecque est admirable, c'est d'abord et avant tout aux mythographes, aux philosophes ie aux humains. Ce n'et pas Dieu mais les Humains qui ont construit les cathédrales....
Bémol à l'idée que l'Occident serait vide et misérable, voué à la platitude et à la médiocrité.
Par construction, nos sociétés sécularisés forment un cadre qui n'est pas là pour donner du sens en imposant une idéologie à l'ensemble du corps social, mais seulement pour organiser la coexistence pacifique des individus. De même, elles ne visent pas à créer des chefs charismatiques. L'Etat ne peut plus fixer pour tous des finalités grandioses et admirables. C'est à chaque individu de donner du sens à sa vie.
4. S'émanciper : liberté ou bonheur
Réflexions de La Boétie sur la servitude volontaire versus celles de Hobbes
vaut-il
mieux vivre heureux dans la servitude et l'illusion
ou
moins heureux mais dans la liberté et la vérité
?
Hobbes et ses disciples =>le bonheur de vivre avant tout
Pendant la guerre froide, peur de l'épisode des missiles russes SS-20 : "Plutôt rouge que mort !"
Kant, Freud et Nietzsche s’inscrivent en faux contre l'optimisme du bonheur, l'idée de libre arbitre ayant pour principal effet de nous rendre malheureux. L'idée de liberté vient sans cesse nous pourrir la vie en nous plongeant dans les "passions tristes" (Spinoza), les regrets, les remords...On aurait pu prendre d'autres décisions puisque nous étions libres.
Le Léviathan de Hobbes ou Pourquoi la peur nous invite-t-elle à sacrifier la liberté au bonheur
C'est avec le Léviathan de Hobbes que l'opposition avec entre
philosophies du bonheur (Hobbes, Marx, l'écologie politique)
et
philosophies de la liberté (Rousseau, Kant, Tocqueville)
prend sa forme moderne la plus significative et la plus moderne.
Pour Hobbes, l'homme est un loup pour l'homme. Comme le plus fort n'est jamais assez fort pour être certain de le rester, nul n'est à l'abri.
Un Etat puissant est installé par un contrat social entre le peuple et lui ou entre les individus qui forment le peuple et qui délèguent à la puissance publique (au Léviathan) tous les pouvoirs.
On sacrifie sa liberté sur l'autel du bonheur, on renonce à sa part de souveraineté pour conquérir une part de bien-être, de sérénité, l'Etat Léviathan mettant un terme au règne de la peur.
Ecologie politique = le souci du bien être et de la sécurité l'emporte sur celui de la liberté.
A l'opposé, chez Rousseau, Kant, Tocqueville, la liberté passe avant la quête du bonheur. Elle est le propre de l'humain, ce qui nous distingue des animaux. Perdre la liberté, c'est perdre son humanité.
Analyse de Spinoza des rapports conflictuels entre bonheur et liberté. Pour Spinoza, la notion de libre arbitre, de choix entre des options possibles est non seulement une illusion, mais une illusion funeste car c'est elle qui nous rend malheureux. C'est elle qui nous plonge dans les "passions tristes".
Déconstruction des illusions du libre arbitre
La sagesse de Nietzsche repose sur une invitation à nous réconcilier avec le monde, à dire oui au réel. Seul le sage qui comprend que le libre arbitre est pure illusion peut parvenir à l'"innocence du devenir".
Nietzsche ne pense pas comme les stoïciens que le monde soit harmonieux et rationnel. Mais comme eux, il invite à vivre dans l'instant, à nous sauver nous -même en aimant tout ce qui est, à fuir la distinction des événements heureux et malheureux.
C'est alors en nous libérant de ce double visage insidieux des forces réactives, en nous libérant des pesanteurs du passé et de l'avenir, que nous parvenons à la sérénité et à l'éternité.
Négation du libre arbitre au nom
Liberté et responsabilité sont des fardeaux, des facteurs incontestables de troubles
Quel choix entre bonheur et liberté => Ferry choisit la liberté
Antigone et Créon : chacun est libre de ces choix : que faire du cadavre de Polynice, neveu de Créon et frère d'Antigone.
Antigone : Les lois divines > loi des hommes
Créon : défend les lois de la cité dont il est garant
Bonheur et liberté sont à la fois inséparable (comment être heureux dans la servitude ?) et opposés (comment être heureux quand on doit faire des choix difficiles
Ethique de la conviction résumée en une phrase : fiat justicia perat mundus, que justice soit faite, le monde dût-il en périr. On défend les principes en se moquant du réel :
ex : pacifiste en 1935 => le réel se venge !
Ethique de la responsabilité aurait pu répondre : Si vis pacem, para bellum
=> seule morale digne de ce nom
p 148
5. Élargir l'horizon : liberté ou bonheur
r
6. Apprendre et créer : souffrances et joies de la connaissance
d
7. Agir : pourquoi travailler au bien d'autrui peut rendre heureux
d
Résumé
1. Antinomie du bonheur
Thèse :
Le bonheur ne dépend que de nous.
Bonheur possible dans un monde malheureux (même les cas exceptionnels des camps en 1940 )
Le bonheur est parfaitement définissable.
Antithèse :
Bonheur provisoire et fragile
Pratiquer le "non attachement" pour ne pas être affecté par les malheurs du monde => quasi impossible
Le bonheur n'est pas définissable. (thèse de Kant ou Karl Popper). Tout ce qui peut me rendre heureux peut se transformer en calamités (amour, argent, justice, réussite..)
Si ce bonheur n'est pas définissable, c'est qu'il n'existe pas de "nature humaine" (mythe de Prométhée).
Les hommes ne sont pas programmés par un logiciel. Ils vont devoir et pouvoir inventer leur vie.
Pour Pic de la Mirandole, l'homme n'étant déterminé par aucune "nature", n'ayant ni "identité naturelle", peut choisir toutes les identités.
D'où l'idée d'un bonheur parfait et durable obtenu par une mise en harmonie de soi n'a aucun sens.
La tyrannie du bonheur
L'idée de bonheur rejoint le comble du "nihilisme" : une tyrannie de l'idéal qui s'acharne à nier le réel.
La thèse eudémoniste se transforme alors en son contraire : un stress angoissant.
Les grecs l'avaient compris. Le réel comporte toujours sa part d'ombre, qu'il n'y a pas de bonheur éternel, mais seulement des joies plus ou moins durables.
Là le projet du livre : identifier ce qui nous rend heureux dans la lucidité, ce qui nous réjouit sans occulter le sens de l'éphémère et viser les joies les plus simples plus qu'un bonheur individuel nécessairement fictif.
2. Aimer : Bonheur et malheur d'aimer
Peut-on croire en un amour plus fort que la mort. Cette espérance est un leurre. Elle n'en est pas si forte qu'on le retrouve depuis la nuit des temps :
- Gilgamesh au XVIIIe av JC
- Eros et Psyché dans les Métamorphoses, également connu sous le titre L'Âne d'or (Asinus aureus), un roman écrit par Apulée au IIe siècle.
- Tristan et Iseult, légende, mis par écrit ~XIIe
- Don Juan
Dans Don Juan, c'est l'inverse. Le séducteur est tout, l'autre n'est rien, pas une véritable personne, seulement une silhouette.
La mystique de Tristan et Iseult exige d'une part la sortie de soi, la mise entre parenthèses de l'ego érotique, dominateur, jaloux et possessif; d'autre part, un idéal ascétique lié au projet de la fusion dans l'Autre. Il faut se libérer de l'ego, de sorte que la mort est la libération suprême, l'affranchissement ultime de cette illusion funeste, de cette prison qu'est l'individu. C'est dans la mort que les 2 amants pourront se retrouver.
Don Juan, le suborneur et le moraliste
Dominé par la logique d’Éros, Don Juan est voué au plaisir, au sexe, à l'hédonisme. Il se moque des convenances, des règles sociales, de la distinction entre le bien et le mal. C'est un antéchrist qui se gausse de toutes les formes de transcendance. Il se rapproche du démon car il a les qualités de séduction et la volonté de défier Dieu, la mort et l'au-delà.
Don Juan est dans le "mauvais infini" (d'Hegel) car il faut sans cesse recommencer à séduire, consommer, abandonner. La prétendue liberté de Don Juan tourne à la dépendance. Le temps de Don Juan est celui de la consommation pure, donc de la mort. On retrouve une analyse du divertissement qui était déjà celle d’Épicure et de Pascal.
La spirale des plaisirs nous rapproche de la mort
Selon Lucrèce et Pascal, c'est la peur de la mort qui nous pousse vers le "divertissement", vers la consommation sans fin.
L'enfant gâté passe de jouet en jouet, comme Don Juan de femme en femme et le drogué de dose en dose. Cette course au bonheur artificiel ne permet pas d'habiter le présent et donc de parvenir à la sagesse et à la sérénité. Celui qui est plongé dans l'addiction ressemble, nous dit Lucrèce, au tonneau des Danaïdes. Il ne peut jamais être empli, satisfait, car il n'aime jamais ce qu'il a et désire sans cesse ce qu'il n'a pas.
Pour Kierkegaard, il faut laisser Don Juan à son destin (stade esthétique) et passer aux 2 autres stades éthique (Kant) et religieux (Jésus).
Les amours d’Éros et Psyché
A inspiré le conte de Blanche-Neige
Psyché (l'âme) et Éros (l'amour passion)
C'est seulement dans l'immortalité que l'amour peut s'épanouir et conduire au bonheur. Dans le monde mortel, réel, Aragon a raison, il n'y a pas d'amour heureux, car l'amour implique l'attachement et plus ce dernier est fort, plus l'inévitable séparation avec l'être aimé sera douloureuse.
La théologie du mariage chrétien
Le mariage a pour but de sauver les relations entre mortels. En toute rigueur, l'amour devrait être réservé à l’Éternel.
S'attacher à ce qui passe est folie. Saint Augustin : "Vous cherchez une vie heureuse dans la région de la mort : vous ne l'y trouverez point. Comment trouverait-on la vie heureuse là où il n'y a même pas la vie ?"
Contrairement aux stoïciens et aux bouddhistes, pour qui l'individu n'est que une illusion, l'ego, un agrégat provisoire voué à se dissoudre dans la totalité cosmique, le christianisme nous promet l’immortalité personnelle, corps et âme. Avec la résurrection de Lazare, l'amour est plus fort que la mort, c'est lui qui sauve, qui redonne vie à la chair putride et décomposée de l'ami du Christ.
agapè : l'amour authentique.
Bonheur d'aimer et la mort
4 attitudes possibles face à la mort :
- Ne pas y penser. Formule d'Héraclite, repris par la Rochefoucauld : "ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face".
- Celle des épicuriens, des stoïciens et bouddhistes : il faut penser quotidiennement à la mort, il faut se préparer à sa venue qui est inévitable. Il convient donc d'éviter les attachements.
- Celles des grandes religions qui promettent la "mort de la mort"
- Face à la perte d'un être aimé : tant qu'il reste des êtres à aimer dans ce monde, la vie vaut la peine d'être vécue.
3. Admirer ou pourquoi l'admiration nous rend heureux
Pourquoi ce qui nous fait sentir plus petit, moindre, inférieur nous donne-t-il malgré tout un sentiment de joie ? Comme l'attitude mystique, l'admiration implique un rapport au sacré.
L'admiration nous donne le sentiment de participer du grandiose, du transcendant. Spinoza, lorsque nous participons au divin, nous "sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels".
Ce qui explique pourquoi les industriels qui fabriquent des consommables aiment s'entourer d’œuvres d'art pour les inscrire dans le registre de l'éternité.
Que pouvons-nous encore admirer dans notre univers démocratique et laïc, de part en part, voué à la sécularisation de toutes les figures du sacré, de toutes les formes de transcendance ?
Des 2 maux de l'univers laïc et démocratique : platitude et jalousie signent-elles la fin de l'admiration ?
Pour Tocqueville, la logique de l'égalisation des conditions conduit à la platitude, attendue qu'elle a pour visée l'érosion systématique de tout ce qui dépasse et sort la tête de l'eau.
Régis Debray : "Le démocrate aime l'homme. Il n'aime pas les grands hommes, ceci parce que cela".
La dynamique de l'égalisation des conditions conduit à couper les têtes. Pourquoi cette logique des démocraties modernes ? Pour Tocqueville, c'est la jalousie et l'envie, deux passions inséparables de l'égalitarisme.
Il y a une opposition fondamentale entre démocratie et aristocratie, modernité et Ancien Régime.
Selon Tocqueville et reprise dans la théorie de la justice de John Rawls, les aristocratiques évoluent dans leur monde à eux. Depuis les Grecs, les hiérarchies sont pensées comme naturelles. Tant qu'on est enfermé dans cette classe, tant qu'on pense que cette hiérarchie est inscrite dans le Cosmos, on ne songe pas à en sortir.
Dans l'univers de l'égalité et des droits de l'homme, les inégalités et les privilèges apparaissent alors insupportables mais aussi illégaux. Dès qu'un individu sort du lot, l'homo democraticus tend à s'insurger, il se demande de quel droit, pour quelles raisons il en est ainsi. Parce que piston, corruption, lobby... Les motifs ne manquent jamais pour rassasier la jalousie et l'indignation.
Les objets de l'admiration subsistent dans l'univers de la démocratie
C'est l'humain qui est admirable.
Peinture hollandaise du XVIIème s’intéresse à la vie de tous les jours, à l'humain et non pas aux mythes et Dieu
=> Spinoza de la même époque , philosophie coupée du religieux.
Cette mutation Dieu=> Humain est lié à la réforme luthérienne. Luther est celui qui fera de la religion chrétienne "la religion de la sortie de la religion" (formule de Marcel Gauchet).
Avec Luther, la conscience humaine nous permet de nous adresser directement à Dieu, sans passer par l'intermédiaire de l'Eglise. La sécularisation de l'art prend son essor, parallèle à cet humanisme juridique. C'est par des êtres humains et pour des êtres humains que la loi doit être fabriquée au sein des parlements.
Sport
Compétition = réorganisation d'un espace d'inégalité au sein de l'univers égalitaire.
L'un des ressorts du plaisir voire de la passion qui s'empare des spectateurs à la vue des grands champions est lié à ce retour à un univers aristocratique donc inégalitaire au sein de la sacro-sainte égalité démocratique.
L'admiration pour les sportifs est liée au fait que des transcendances aristocratiques s’élèvent sur un terreau démocratique, donc humain.
Pourquoi il faut admirer cet occident qu'on dit vide
Il faut renverser la perspective habituelle, celle que les nostalgiques des splendeurs passées ont coutume d'affectionner.
C'est que Nietzsche appellera des "idoles", ces boursouflures métaphysico-religieuses qu'il admire comme si elles lui venaient du dehors alors qu'elles sont le produit de sa propre pensée.
Si la cosmologie grecque est admirable, c'est d'abord et avant tout aux mythographes, aux philosophes ie aux humains. Ce n'et pas Dieu mais les Humains qui ont construit les cathédrales....
Bémol à l'idée que l'Occident serait vide et misérable, voué à la platitude et à la médiocrité.
Par construction, nos sociétés sécularisés forment un cadre qui n'est pas là pour donner du sens en imposant une idéologie à l'ensemble du corps social, mais seulement pour organiser la coexistence pacifique des individus. De même, elles ne visent pas à créer des chefs charismatiques. L'Etat ne peut plus fixer pour tous des finalités grandioses et admirables. C'est à chaque individu de donner du sens à sa vie.
4. S'émanciper : liberté ou bonheur
Réflexions de La Boétie sur la servitude volontaire versus celles de Hobbes
vaut-il
mieux vivre heureux dans la servitude et l'illusion
ou
moins heureux mais dans la liberté et la vérité
?
Hobbes et ses disciples =>le bonheur de vivre avant tout
Pendant la guerre froide, peur de l'épisode des missiles russes SS-20 : "Plutôt rouge que mort !"
Kant, Freud et Nietzsche s’inscrivent en faux contre l'optimisme du bonheur, l'idée de libre arbitre ayant pour principal effet de nous rendre malheureux. L'idée de liberté vient sans cesse nous pourrir la vie en nous plongeant dans les "passions tristes" (Spinoza), les regrets, les remords...On aurait pu prendre d'autres décisions puisque nous étions libres.
Le Léviathan de Hobbes ou Pourquoi la peur nous invite-t-elle à sacrifier la liberté au bonheur
C'est avec le Léviathan de Hobbes que l'opposition avec entre
philosophies du bonheur (Hobbes, Marx, l'écologie politique)
et
philosophies de la liberté (Rousseau, Kant, Tocqueville)
prend sa forme moderne la plus significative et la plus moderne.
Pour Hobbes, l'homme est un loup pour l'homme. Comme le plus fort n'est jamais assez fort pour être certain de le rester, nul n'est à l'abri.
Un Etat puissant est installé par un contrat social entre le peuple et lui ou entre les individus qui forment le peuple et qui délèguent à la puissance publique (au Léviathan) tous les pouvoirs.
On sacrifie sa liberté sur l'autel du bonheur, on renonce à sa part de souveraineté pour conquérir une part de bien-être, de sérénité, l'Etat Léviathan mettant un terme au règne de la peur.
Ecologie politique = le souci du bien être et de la sécurité l'emporte sur celui de la liberté.
A l'opposé, chez Rousseau, Kant, Tocqueville, la liberté passe avant la quête du bonheur. Elle est le propre de l'humain, ce qui nous distingue des animaux. Perdre la liberté, c'est perdre son humanité.
Analyse de Spinoza des rapports conflictuels entre bonheur et liberté. Pour Spinoza, la notion de libre arbitre, de choix entre des options possibles est non seulement une illusion, mais une illusion funeste car c'est elle qui nous rend malheureux. C'est elle qui nous plonge dans les "passions tristes".
Déconstruction des illusions du libre arbitre
La sagesse de Nietzsche repose sur une invitation à nous réconcilier avec le monde, à dire oui au réel. Seul le sage qui comprend que le libre arbitre est pure illusion peut parvenir à l'"innocence du devenir".
Nietzsche ne pense pas comme les stoïciens que le monde soit harmonieux et rationnel. Mais comme eux, il invite à vivre dans l'instant, à nous sauver nous -même en aimant tout ce qui est, à fuir la distinction des événements heureux et malheureux.
C'est alors en nous libérant de ce double visage insidieux des forces réactives, en nous libérant des pesanteurs du passé et de l'avenir, que nous parvenons à la sérénité et à l'éternité.
Négation du libre arbitre au nom
- du bonheur (Hobbes)
- de la sagesse (Spinoza)
- de la sérénité (Nietzshe)
Liberté et responsabilité sont des fardeaux, des facteurs incontestables de troubles
Quel choix entre bonheur et liberté => Ferry choisit la liberté
Antigone et Créon : chacun est libre de ces choix : que faire du cadavre de Polynice, neveu de Créon et frère d'Antigone.
Antigone : Les lois divines > loi des hommes
Créon : défend les lois de la cité dont il est garant
Bonheur et liberté sont à la fois inséparable (comment être heureux dans la servitude ?) et opposés (comment être heureux quand on doit faire des choix difficiles
Ethique de la conviction résumée en une phrase : fiat justicia perat mundus, que justice soit faite, le monde dût-il en périr. On défend les principes en se moquant du réel :
ex : pacifiste en 1935 => le réel se venge !
Ethique de la responsabilité aurait pu répondre : Si vis pacem, para bellum
=> seule morale digne de ce nom
p 148
5. Élargir l'horizon : liberté ou bonheur
r
6. Apprendre et créer : souffrances et joies de la connaissance
d
7. Agir : pourquoi travailler au bien d'autrui peut rendre heureux
d
Commentaires
Enregistrer un commentaire